Thèse de doctorat

Photobiochimie et biologie cellulaire des ommochromes : implications dans le changement de couleur (lien sur theses.fr)
Institut de Recherche sur la biologie de l'Insecte, UMR 7261 CNRS–Université de Tours / Ecole doctorale 549 SSBCV
Direction : Prof. Jérôme Casas 
Soutenance : 2 septembre 2020

Contexte


XanthommatineMa thèse [PDF] visait à comprendre les mécanismes chimiques et cellulaires qui permettent la production et la dégradation de pigments de la famille des ommochromes. Les ommochromes sont très répandus chez les arthropodes, ils y jouent entre autre le rôle de pigments tégumentaires et définissent ainsi leur coloration. En particulier, les araignées crabes sont capables de produire et de dégrader ces pigments de manière réversible leur donnant une couleur jaune ou blanche, respectivement. Les raisons écologiques et évolutives de ces changements sont encore mal comprises, nous avons donc réalisé une étude mécanistique et dynamique de ce phénomène afin d'apporter des informations sur les potentiels coûts, bénéfices et fonctions alternatives du métabolisme cyclique des ommochromes.

Résumé

La capacité qu'ont les animaux à changer de couleur en réponse à un environnement variable est remarquable. Les raisons pour lesquelles les animaux ont acquis une telle palette de couleurs ont toujours eu une place prépondérante en biologie. Encore aujourd'hui, la recherche sur la couleur des animaux est très active ; la difficile question de la valeur adaptative de la couleur et des changements de couleur nécessite des approches multidisciplinaires. Cela est encore plus vrai pour les pigments, dont les propriétés et les fonctions se situent à l'interface entre la chimie et la biologie. En effet, la structure électronique et l'état intracellulaire des pigments sont des paramètres clés influençant aussi bien leurs propriétés optiques que leur réactivité chimique. Ainsi, la biochimie et la biologie cellulaire des pigments peuvent nous informer sur leurs fonctions et leurs propriétés de changement de couleur.

Dans cette thèse, je m'intéresse aux couleurs chimiques des Insectes, Araignées et Céphalopodes qui sont dues aux pigments appelés ommochromes. Les ommochromes contribuent efficacement aux changements de couleur pour plusieurs raisons. Premièrement, ils possèdent la capacité unique parmi les pigments d'animaux à pouvoir changer rapidement vers le rouge une fois réduits. Deuxièmement, leur diversité structurale est à l'origine d'une palette de couleurs, allant du jaune au rouge et violet. Enfin, ils sont produits à l'intérieur d'organites intracellulaires qui peuvent alterner dynamiquement entre production et dégradation. Cependant, malgré leur importance, ces mécanismes sont encore mal compris. Les fonctions biologiques de ces changements de couleur, si elles existent, sont rarement connues malgré des décennies de recherche particulièrement chez les araignées crabes. Dans ces travaux, je postule que le lien structure-propriété à plusieurs échelles des ommochromes représente un aspect important de leur biologie. Ainsi, l'étude des mécanismes de changement de couleur aux échelles moléculaires, biochimiques et subcellulaires devrait fournir des informations sur les potentielles fonctions et utilisations des ommochromes.

Dans cette perspective, je fais premièrement une revue des changements de couleur chez les animaux en comparant leurs mécanismes, leurs régulations et leurs fonctions. Je fais ensuite une synthèse de la biochimie et de la biologie cellulaire des ommochromes, fournissant ainsi une mise à jour depuis la dernière revue exhaustive sur le sujet il y a plus de 40 ans. Je procède enfin à une étude expérimentale de trois systèmes biologiques en lien avec les propriétés de changement de couleur des ommochromes, c'est-à-dire leur biosynthèse chez la Mouche domestique, la couleur nuptiale chez les Libellules et le changement de couleur réversible des araignées crabes. Les résultats renforcent l'idée que la couleur des ommochromes est associée à d'autres fonctions biologiques, dont la capacité antiradicalaire et le stockage des métaux. Ainsi, les ommochromes ne devraient pas être étudiés uniquement à travers le prisme de la couleur, mais aussi à la lumière de leur dynamique chimique et cellulaire intrinsèque, ce qui est en accord avec d'autres systèmes pigmentaires.

En somme, cette étude est une première étape vers la mise à l'épreuve d'hypothèses biologiques souvent négligées dans des systèmes où la fonction écologique des changements de couleur reste à découvrir.